A ceux qui croyaient que la diabolisation
du WWF et le mauvais usage d'un quasi-monopole de presse étaient l'apanage du Valais, la Tribune
de Genève rappelle que la tentation est universelle. La saga du futur stade genevois a connu, durant l'été, un
nouveau rebondissement avec la mise à l'enquête du projet. Comme de juste à cette
étape de la procédure, il y a des oppositions diverses et variées mais une seule est
martelée jour après jour par le grand quotidien local, la Tribune de Genève:
celle du WWF. On pourrait presque dire celle de Françoise Chappaz, la secrétaire
générale de la section genevoise, tant la Tribune personnalise sa dénonciation
de celle par qui le malheur risque d'arriver. La pompe amorcée, un courrier des lecteurs
aussi complaisant qu'indigné n'a pas manqué de suivre. Mais Françoise Chappaz n'a pas
(encore?) été passée à tabac.
Financé largement par des fonds privés, le projet de
reconstruire à La Praille le stade des Charmilles repose sur un montage inspiré du
pâté d'alouette (un cheval, une alouette...), puisque le stade repose sur un gigantesque
centre commercial. Mais de celui-ci, et de son impact quotidien en termes d'aménagement
et de circulation, il n'est guère question. Pas d'étude de l'impact sur l'environnement
publiée, pas encore de mise à l'enquête: l'impératif du stade est censé tout faire
passer. Il est plus facile de tenter d'intimider les esprits critiques que de les écouter
et de rechercher des solutions dans la concertation.
Depuis son rachat par le groupe lausannois Edipresse, la Tribune
de Genève porte jusqu'à la caricature l'obsession d'être le miroir des Genevois:
désir de faire oublier cette blessure d'amour-propre, sans doute, et stricte conformité
à sa niche dans le marketing du groupe, mais avec une absence de subtilité dans la mise
en uvre, de Guy Mettan à Marco Cattaneo, qui doit faire honte à ses dirigeants.
Depuis le début, le projet de stade n'est donc pas un objet d'information mais un hochet
identitaire porté par la rédaction. Il a pourtant une toute autre ampleur que la
folklorique campagne de 24 Heures pour donner le nom de Jean-Pascal Delamuraz à
une rue lausannoise.
En se comportant comme l'organe intolérant d'une
communauté soi-disant soudée et unanimiste la Tribune se méprend sur Genève.
Elle méconnaît surtout la responsabilité qui est la sienne dans le débat local,
particulièrement depuis la disparition de La Suisse et du Journal de Genève.
Ce faisant elle s'écarte résolument de l'exemple donné par les grands quotidiens
régionaux alémaniques, qui ont su faire du monopole l'instrument de l'indépendance et
du pluralisme, pour tomber dans une ornière dont Le Nouvelliste, pour sa part,
fait des efforts méritoires pour sortir. |