Ce
n'est pas encore du fédéralisme. Mais le gouvernement
travailliste prépare la décentralisation politique
du royaume en donnant la parole au peuple.
En
France, l'une des conclusions tirées le plus souvent
du drame de l'élection présidentielle est
de reconnecter citoyens et élus en accentuant voire
en diversifiant le pouvoir, encore récent et limité,
des régions. Jean-Marie Colombani, directeur du Monde,
soulignait dans un éditorial que si l'affirmation
des communes avait marqué les débuts de la
IIIe République, les régions, à l'échelle
de l'Europe, sont l'enjeu d'aujourd'hui. Après l'Espagne,
l'Italie et la France, la Grande-Bretagne entre dans ce
débat.
Comme
pour d'autres domaines (chemins de fer, système de
santé...), le handicap britannique consiste à
devoir réformer ce dont on a été le
précurseur: ici un régime parlementaire strictement
pyramidal et centralisé, dont émanent le cabinet
et le premier ministre qui dirige le pays. Cette idée
simple et forte, qui a permis la naissance de la démocratie,
est aujourd'hui le principal obstacle, à la décentralisation
politique que prônent les travaillistes de la troisième
voie (ni "moins d'Etat", ni "plus d'Etat",
mais "mieux d'Etat", pourrait-on dire). Car le
Royaume-Uni était, sous Mme Thatcher, le pays le
plus centralisé d'Europe, dont même les budgets
communaux sont corsetés de Londres.
Dans
un premier temps, les travaillistes ont fait droit aux revendications
identitaires de l'Ecosse et du Pays de Galles, où
des référendums ont mis en place (comme pour
l'Irlande du nord) un parlement et un gouvernement régional
dotés de compétences retirées du parlement
et du gouvernement de Londres. Restait évidemment
l'Angleterre elle-même... Le projet rendu public la
semaine dernière consiste à reprendre les
8 régions dans lesquelles l'administration nationale
est déconcentrée. Elles comptent chacune entre
2,5 et 8 millions d'habitants (à côté
de la région du grand Londres, 7,5 millions d'habitants,
d'ores et déjà dotée d'une assemblée
et d'un super-maire). Elles pourront élire, au scrutin
proportionnel, une assemblée de 25 à 35 membres
dont émanera un exécutif de six personnes.
Là
où ces institutions seront mises en place (par référendum),
un double mouvement de rééquilibrage du pouvoir
interviendra: d'une part la région recevra certaines
compétences de l'autorité centrale (et les
fonctionnaires qui les exercent), essentiellement dans le
domaine du développement régional, du logement,
des transports et de la culture; d'autre part elle reprendra
les attributions supra-locales exercées aujourd'hui
par des conseils de comté. On retrouve ici un élément
non encore résolu du débat français:
la disparition inéluctable du conseil général
(département) comme corollaire à l'émergence
de la région entre les communes et l'Etat central.
C'est
aussi le débat helvétique, marqué comme
en Grande-Bretagne des pesanteurs du passé, mais
en sens inverse: les initiatives de l'Union VD-GE pour une
Suisse des régions prônent un mouvement volontaire
des peuples pour constituer des régions responsables
politiquement, de manière à pallier le vide
politique et démocratique que laisse l'irrelevance
croissante des cantons dans la société d'aujourd'hui,
et préparer l'euro-compatibilité de la Suisse.
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