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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

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Le Conseil national va débattre du statut des couples de même sexe.
Article paru dans DP.
Le partenariat entre réalisme et adoption
12 septembre 2003

Une nouvelle étape est franchie: la Commission des affaires juridiques du Conseil national a approuvé le projet de "loi fédérale sur le partenariat enregistré pour les couples de même sexe" présenté par le gouvernement.

La Suisse est cette fois moins en retard que lorsqu'il s'est agi de reconnaître les droits politiques aux femmes. Mais ici, pour le meilleur et pour le pire, la décision n'appartient ni à un tribunal (comme récemment au Canada) ni à une classe politique éclairée, mais au corps électoral se prononçant lors d'une votation. C'est un surmoi toujours présent, particulièrement nocif à l'épanouissement, si naturel à coup d'alternance dans les démocraties parlementaires, de celles et ceux qui vivent de politique... Aujourd'hui, le soutien des élites est acquis (hommage soit rendu à la conseillère fédérale Ruth Metzler, démocrate-chrétienne qui brave les foudres vaticanes!), la majorité dans l'opinion publique paraît solide: quel progrès le bon sens a-t-il fait en peu d'années pour reconnaître que gays et lesbiennes n'y peuvent davantage et ne sont pas plus contagieux que les hétéros, qu'ils et elles sont des êtres comme les autres et ont autant droit à la poursuite du bonheur, y compris dans le couple si ça leur chante!

La question de l'adoption

L'adoption par des gays ou des lesbiennes, seuls ou en couple, reste un sujet chaud: le Danemark l'avait expressément exclue dans sa loi de 1989 qui instituait, pour la première fois, un partenariat pour les couples de même sexe. Les anglo-saxons sont plus pragmatiques, qui la connaissent de cas en cas depuis longtemps (la Grande-Bretagne, qui ne fait rien comme tout le monde, a légiféré pour reconnaître l'adoption par un couple de même sexe avant même d'avoir un statut de partenariat - il est en cours d'approbation au parlement). Pour la Suisse, la commission du Conseil national a maintenu par 12 voix contre 9 l'interdiction stipulée dans le projet de loi. En séance plénière, deux propositions de minorité seront présentées: permettre l'adoption seulement dans des situations spécifiques (enfant de la ou du partenaire, p.ex.), ou ne rien stipuler à ce propos et laisser la décision, de cas en cas, aux autorités compétentes; après tout, l'adoption n'est pas le droit d'adultes à adopter un enfant, mais le droit d'enfants à se voir attribuer un ou des parents adoptifs lorsque les parents naturels font défaut.

Peut-être bien qu'un débat de société sur l'adoption par des couples de même sexe serait utile. Et peut-être bien qu'il ne suffirait même pas à faire dérailler la loi en votation populaire. Mais on peut aussi ne pas vouloir prendre le risque, et préférer la politique des "petits pas", à la suisse. Que la minorité parlementaire soit la plus élevée possible, bien sûr. Que les organisations de gays et de lesbiennes revendiquent, c'est dans leur rôle (mais attention, pas au point de laisser penser qu'un échec sur ce point rendrait la loi moins digne de soutien!). Le maintien de l'interdiction dans la loi, s'il est choquant sur le plan du principe, a l'avantage de limiter le débat au partenariat lui-même. Elle n'empêchera pas de revenir sur la question d'ici quelques années, spécifiquement, à l'occasion d'une révision générale des dispositions sur l'adoption par exemple.

 

 


Dernière mise à jour: 07.10.2003
François Brutsch - Genève (Suisse) & London (UK)