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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

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Ruth Metzler pilote avec efficacité le statut des couples de même sexe.
Article paru dans DP.
Partenariat enregistré: la Suisse au coeur de l'Europe
5 juillet 2002

Annoncé à la veille de la Gay Pride, le futur statut suisse des couples de même sexe reflète la modernité et la Gründlichkeit de la Suisse d'aujourd'hui.

Quel chemin parcouru depuis que le Danemark, le tout premier, offrait un statut de partenariat enregistré à celles et ceux à qui le mariage n'est pas ouvert pour organiser et faire reconnaître leur vie de couple: les lesbiennes et les gays (Gay, gay, marions-nous, DP No 863 du 3.8.1989). En Suisse, la première démarche politique est une question posée au Conseil fédéral par le conseiller aux Etats radical genevois Gilles Petitpierre, par ailleurs professeur de droit civil, en 1994. La même année, un comité "Les mêmes droits pour les couples de même sexe" lance la pétition du même nom, appuyée par des personnalités dont le soutien a été alors laborieusement sollicité. Elle est, déjà, aussi bien accueillie que possible et déposée le 18 décembre 1994 avec plus de 85'000 signatures. En 1996, le Conseil national la relaie au Conseil fédéral par un postulat adopté au vote nominal (68 voix contre 61).

Le 1er mai 1999, Ruth Metzler-Arnold succède à Arnold Koller. Dès le mois suivant elle sort du tiroir, et met en consultation, le rapport très complet préparé par ses services: la situation des personnes homosexuelles en droit suisse, les solutions apportées à l'étranger et cinq variantes, pas moins, proposées à la réflexion des milieux intéressés. Le Conseil fédéral prend acte du résultat de cette première consultation en octobre 2000 et charge le département fédéral de justice et police de préparer un avant-projet de loi fédérale sur le partenariat enregistré. Celui-ci est mis en consultation en novembre 2001. Et c'est à la veille de la Gay Pride (de Zurich samedi passé et de Neuchâtel le 13 juillet) que Ruth Metzler peut annoncer la décision du Conseil fédéral de déposer un projet aux Chambres fédérales d'ici la fin de l'année.

Ce qui frappe, c'est l'ampleur du consensus autour de la légitimité de la revendication des gays et des lesbiennes, de l'importance qu'il y a à mettre fin à une discrimination, à favoriser l'épanouissement individuel de toutes et tous, quelle que soit leur orientation sexuelle. Si l'on excepte quelques enjeux symboliques parfois byzantins (un chapitre du code civil ou une loi spéciale?) et des questions de détail, le dernier point d'accrochage sérieux porte sur l'adoption d'enfants, que le projet de loi entend interdire expressément aux partenaires (que ce soit ensemble ou pour que l'un-e des partenaires puisse adopter l'enfant biologique de l'autre). Pourquoi ne pas laisser cette question à la sagesse des autorités compétentes, à même de juger de cas en cas? Car l'intérêt de l'enfant est toujours une question individuelle: il y aussi des hétéros qui font de mauvais parents... Il y a certes aussi dans cette disposition un calcul politique pour rassurer, sachant que cette loi fédérale, une fois approuvée par les Chambres, ne manquera pas de faire l'objet d'un référendum. Et il faut rappeler aux jusqu'auboutistes que la loi danoise, en 1989, était similaire.

Telle quelle, la future loi suisse se présente bien comme une incarnation solide, ouverte et pragmatique du modèle européen standard du partenariat enregistré. Elle s'affranchit sans effort de l'hypocrisie du PACS français, qui cache derrière les concubins un statut au rabais pour les couples de même sexe. Elle ne se croit pas obligée de rejoindre les Pays-Bas dans la permissivité à choix multiple: mariage, partenariat ou union libre, que ce soit pour les homos ou les hétéros. Elle est en somme à l'image d'une Suisse moderne, en paix avec elle-même, telle qu'on peut la voir sur les Arteplages. Pourvu que ça dure...


Le maigre front du refus

Le succès de la Pride de Sion, l'an dernier, et l'accueil sympathique que les Valaisannes et les Valaisans lui ont réservé, n'ont pas ébranlé le gouvernement cantonal: il se retrouve seul des 26 cantons à être comptabilisé parmi les opposants dans l'analyse de la consultation. Curieusement, le canton de Vaud n'est pas loin (c'était encore le précédent gouvernement), considérant avec Schwyz et la Thurgovie qu'on en fait un peu trop...

Parmi les partis gouvernementaux, seule l'UDC est opposée au projet. Socialistes et radicaux, eux, font assaut de progressisme pour combattre la discrimination en matière d'adoption comme pour souhaiter que l'institution civile du mariage elle-même ne soit plus réservée aux seuls couples formés d'un homme et d'une femme. Même la Conférence des évêques suisses ne parvient pas à se faire enregistrer comme opposante, laissant cela aux groupuscules fondamentalistes qui s'apprêtent déjà à lancer, le moment venu, le référendum.

 

 


Dernière mise à jour: 07.10.2003
François Brutsch - Genève - Suisse