Après
les talibans en Afghanistan, il faut renverser le régime
de Saddam Hussein en Irak: cette double riposte s'imposait
manifestement après les attaques du 11 septembre
2001 contre New York et Washington (réitérées
depuis à Bali, Djerba ou Mombassa, ce qui témoigne
du caractère mondialisé de l'agression). Pour
priver Al-Qaida de sa base territoriale et d'un allié
objectif à proximité. Pour ramener dans la
communauté internationale deux Etats à la
dérive. Pour libérer deux peuples de la dictature
qui les asservit et marquer ainsi que la force doit être
au service de la liberté et non de l'oppression.
Le
11 septembre 2001 est le symbole d'un changement d'époque
dont l'onde de choc touche maintenant l'ONU et la nature
même du droit international. La guerre a pris une
nouvelle forme: non plus celle d'une lutte entre Etats souverains,
mais celle de la violence collective multiforme de réseaux
transnationaux contre les sociétés qui ont
en commun, à des degrés divers, une économie
de marché et une organisation démocratique.
Dans ce contexte, le simple endiguement d'Etats totalitaires
ayant largué les amarres qui les rattachaient à
la communauté internationale ne suffit plus: le risque
d'une alliance objective avec les réseaux terroristes
est trop grand.
C'est
ici que s'opère la jonction avec le devoir d'ingérence
de la communauté internationale dans les affaires
intérieures d'un Etat (contre l'apartheid, contre
les Khmers rouges...), revendiqué depuis trente ans
par un Bernard Kouchner. A défaut de devoir, le droit
d'ingérence a déjà progressé
ces dernières années, en particulier sous
l'impulsion du tandem Clinton - Blair, au moins lorsqu'il
y a conjonction d'une problématique stratégique
et d'une tragédie humanitaire.
Il
faut aller plus loin: après la chute pratiquement
complète du communisme, la nécessité
de défendre et de promouvoir les valeurs de liberté,
de justice et de démocratie est remise à l'ordre
du jour par le terrorisme islamique. Et il n'est pas plus
illégitime d'exiger de l'Islam qu'il respecte la
démocratie et les droits humains que de l'avoir obtenu,
de haute lutte, du christianisme et même de l'église
catholique romaine.
Il
est certes ironique qu'un Bush faisant profession d'isolationnisme
et d'unilatéralisme se soit converti à l'interventionnisme
multilatéral. Mais la rupture rapide par la France
de l'unanimité du Conseil de sécurité,
la pression dans les démocraties d'une opinion publique
qui n'a manifestement pas encore pris la mesure de la menace
qui pèse sur sa liberté et sa prospérité
(et n'a cure des victimes du totalitarisme) ont fait disparaître
la seule possibilité que la résolution 1441
puisse atteindre son but sans intervention militaire. Y
renoncer ne serait pourtant que le triomphe de Saddam Hussein
et de tous ceux qui haïssent la liberté; qui
peut croire que le coût de l'inaction ne sera pas
bien plus lourd que celui d'une intervention? Le risque
pris est bien préférable au risque subi.
Que
le Conseil de sécurité renonce à assumer
les conséquences de son vote unanime, qu'un des Etats
qui a voté la résolution 1441 use de son veto
pour refuser qu'elle soit suivie d'effet, ce serait d'abord
et avant tout un geste suicidaire: la démonstration
que le dispositif issu de la Deuxième Guerre mondiale
a désormais épuisé sa force propulsive.
Cela ne dispense pas de faire face résolument aux
dangers du temps, puis de rechercher de nouvelles modalités
d'organisation de la planète. Comme elle l'a fait
au Kosovo bien tard comme elle n'a pas su
le faire au Rwanda, comme elle devra le faire pour assurer
la sécurité aux Israéliens et aux Palestiniens
et imposer la paix, la communauté internationale
doit intervenir en Irak.
Ancien
député socialiste au Grand Conseil de Genève,
l'auteur a également été l'un des animateurs
du Comité de solidarité socialiste avec les
opposants des pays de l'Est (créé en réponse
à l'appel de la Charte 77 de Vaclav Havel et dissous
au début des années 1990) et de l'initiative
0,7 pour la création d'un fonds cantonal genevois
d'aide au développement.
|