Le
moment de mettre en accusation l'Irak a-t-il été
choisi de manière arbitraire par le gouvernement
américain? Les Nations Unies sont-elles instrumentalisées
par une parodie d'inspection? Une intervention militaire
serait-elle contraire au principe de proportionnalité?
C'est ce qu'écrit André Gavillet (DP
1547), estimant que le droit international est mis à
mal, tout en disant par ailleurs assez combien la disparition
du régime de Saddam Hussein lui paraît souhaitable.
Sur
le moment: c'est évidemment le 11 septembre 2001
qui a tout changé. L'apparition d'une multinationale
hors sol du fascisme islamique a rendue obsolète
la vision florentine ou metternichienne des relations internationales
qui ne connaît que des Etats (des "puissances")
s'affrontant pour des intérêts, et réhabilité
la notion de valeurs. Oui, liberté, justice et démocratie
méritent que l'on combatte pour les défendre
et les promouvoir, même si une opinion publique anesthésiée
par 50 ans de prospérité à l'abri du
parapluie américain veut encore l'ignorer (qu'auraient
dit les sondages en 38-39?). Aboutissement de l'évolution,
portée par un Bernard Kouchner notamment, vers un
droit d'ingérence de la communauté internationale
dans les affaires intérieures des Etats qui paraît
aujourd'hui acquis, on en vient enfin à distinguer
entre un pays et son peuple et le régime qui les
tient sous sa coupe: contre les Khmers rouges, pas contre
le Cambodge, contre les Talibans, pas contre l'Afghanistan,
contre Saddam Hussein, par contre l'Irak. C'est la prise
de conscience du 11 septembre qui a rendu soudain intolérable
l'attentisme de la communauté internationale face
au défi permanent que représente Saddam Hussein.
Avant, Bush était isolationniste et unilatéraliste,
on le lui reprochait assez, après il est devenu interventionniste
et multilatéraliste et on le lui reproche également.
S'il
y a quelque chose qui met à mal le droit international
onusien aujourd'hui, c'est plutôt la pusillanimité
de la diplomatie française. Après avoir traîné
les pieds, sans proposer d'alternative, pour adopter la
résolution 1441, elle prétend aujourd'hui
changer les règles faute d'assumer les conséquences
de son vote. Le régime d'inspection n'est nullement
une fin en soi, mais une tentative de la dernière
chance. S'il était illusoire d'attendre de Saddam
Hussein qu'il change, on pouvait espérer de cette
pression internationale un changement de régime qui
aurait permis d'éviter l'intervention en initiant
de l'intérieur, et volontairement, les transformations
qui ont par exemple permis à l'Afrique du Sud et
aux ex-Etats soviétiques de se débarrasser
de leurs armes nucléaires: cela ne s'est pas produit.
Reste à en tirer la conclusion.
Cela
sera-t-il disproportionné? L'application du principe
de proportionnalité au droit de la guerre a ceci
de curieux, contrairement à l'imagerie courante sur
la "juridification" de la force, qu'il s'applique
par définition à l'encontre du vainqueur;
à l'image la polémique actuelle sur les excuses
réclamées en Allemagne pour les bombardements
des villes par les Alliés durant la seconde guerre
mondiale. On ne doit pas mesurer la proportionnalité
à l'aune de la seule menace résiduelle, mais
bien sur l'ensemble du bilan de Saddam Hussein, tant contre
son peuple que dans la guerre contre l'Iran, l'invasion
du Koweït ou l'attaque d'Israël. Faut-il attendre
qu'il élève encore la barre? Et ne faut-il
pas comparer le coût (mais aussi le résultat)
de l'intervention aujourd'hui avec l'alternative: la poursuite
indéfinie de ce jeu du chat et de la souris dont
la victime est, outre la crédibilité du droit
international onusien, le peuple irakien depuis 12 ans?
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