Les électeurs de la Ville de Genève ont
rejeté le nouvel aménagement de la place des Nations par 52,7% de non et 47,3% de
oui. Dans l'infographie qui présente les principales votations locales du week-end,
cela donne: "Référendum contre l'aménagement de la place des Nations - oui:
52,7%". J'ai d'abord pensé à un lapsus, ou à un effritement supplémentaire de la
culture politique parmi les journalistes (hélas particulièrement perceptible à la
radio-télévision romande, mais ceci est une autre histoire). Mais c'est la même
chose pour le crédit relatif au programme d'intégration pour les Kosovars en Ville de
Zurich: il a été rejeté, ce que vous traduisez par "Référendum contre le
programme d'intégration Caritas - oui: 55,5%". Je dois donc admettre que ce qui est à l'oeuvre ici est plutôt une intention
didactique, qui est d'ailleurs le sens même d'une infographie, en tentant probablement de
rendre plus immédiatement perceptible l'enjeu du scrutin. Je crois pourtant que c'est une
idée qui ne résiste pas à l'examen même si je suis bien conscient du caractère peu
sexy malgré sa précision d'une formulation telle que: "A la suite d'une demande de
référendum, l'aménagement proposé par les autorités pour la place des Nations a fait
l'objet d'un scrutin en Ville de Genève; il a été rejeté par 52,7% des
>votants"...
D'abord cette idée exigerait d'être poursuivie avec
rigueur; or le scrutin cantonal genevois à la suite du référendum contre l'augmentation
de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers fait, lui, l'objet d'un traitement
différent: "Impôts sur les bénéfices et gains immobiliers - non: 66,3%".
Idem pour le RHUSO. Est-ce à dire que vous allez, à chaque fois, vous demander
comment on devrait vraiment poser la question de la manière la plus intelligible?
Il y a d'ailleurs des cas où le référendum est une arme qui permet de maintenir quelque
chose et non seulement de s'opposer, songez au scrutin fédéral du 1.12.96 sur la loi sur
le travail, ou simplement à un référendum qui serait lancé contre une loi supprimant
des bourses d'études par exemple.
Si réellement l'électeur moyen est censé comprendre la
question comme vous l'illustrez, le résultat est d'ailleurs inverse: si 52,7% des
Genevois ont voté non en pensant ainsi s'opposer au référendum, ils ont donc voulu
approuver le projet d'aménagement de la place des Nations... On a eu la preuve, par
les sondages Vox sur les votations à propos d'initiatives antinucléaires que ce type de
malentendu peut réellement arriver: ne l'encouragez donc pas!
Je ne vois d'ailleurs pas de gain réel dans cette
manière de présenter les choses. Par exemple, elle obscurcit le caractère
conservateur, négatif, frileux des deux votes en question à Genève et Zurich.
Et où arrêter la simplification didactique du débat
politique? Ecririez-vous réellement que 66,6% des Suisses ont dit oui au génie
génétique, et 33,4% non, ignorant soudain le poids joué dans la campagne par les actes
et les engagements des autorités ou de la communauté scientifique pour contribuer au
rejet d'une initiative fondamentaliste sans pour autant donner un chèque en blanc aux Dr
Folamour? (Je réalise d'ailleurs que vous n'en êtes pas loin avec ce titre abusif:
"Le génie génétique plébiscité par deux électeurs sur trois").
En un mot comme en cent: je crois que la démocratie a un
prix et exige un effort des électeurs et des journalistes. Celui de toujours se
prononcer par rapport à la question telle qu'elle est posée à la suite d'une
initiative, d'une demande de référendum ou d'un référendum obligatoire, et de
maîtriser éventuellement la syntaxe et la double négation. |