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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

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La démocratie directe a ses exigences: lettre de lecteur au quotidien Le Temps à propos de simplifications trompeuses dans une infographie.
Que ton oui soit oui ou que ton non soit non
10 juin 1998
Les électeurs de la Ville de Genève ont rejeté le nouvel aménagement de la place des Nations par 52,7% de non et 47,3% de oui.  Dans l'infographie qui présente les principales votations locales du week-end, cela donne: "Référendum contre l'aménagement de la place des Nations - oui: 52,7%". J'ai d'abord pensé à un lapsus, ou à un effritement supplémentaire de la culture politique parmi les journalistes (hélas particulièrement perceptible à la radio-télévision romande, mais ceci est une autre histoire).  Mais c'est la même chose pour le crédit relatif au programme d'intégration pour les Kosovars en Ville de Zurich: il a été rejeté, ce que vous traduisez par "Référendum contre le programme d'intégration Caritas - oui: 55,5%".

Je dois donc admettre que ce qui est à l'oeuvre ici est plutôt une intention didactique, qui est d'ailleurs le sens même d'une infographie, en tentant probablement de rendre plus immédiatement perceptible l'enjeu du scrutin. Je crois pourtant que c'est une idée qui ne résiste pas à l'examen même si je suis bien conscient du caractère peu sexy malgré sa précision d'une formulation telle que: "A la suite d'une demande de référendum, l'aménagement proposé par les autorités pour la place des Nations a fait l'objet d'un scrutin en Ville de Genève; il a été rejeté par 52,7% des >votants"...

D'abord cette idée exigerait d'être poursuivie avec rigueur; or le scrutin cantonal genevois à la suite du référendum contre l'augmentation de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers fait, lui, l'objet d'un traitement différent: "Impôts sur les bénéfices et gains immobiliers - non: 66,3%". Idem pour le RHUSO.  Est-ce à dire que vous allez, à chaque fois, vous demander comment on devrait vraiment poser la question de la manière la plus intelligible?  Il y a d'ailleurs des cas où le référendum est une arme qui permet de maintenir quelque chose et non seulement de s'opposer, songez au scrutin fédéral du 1.12.96 sur la loi sur le travail, ou simplement à un référendum qui serait lancé contre une loi supprimant des bourses d'études par exemple.

Si réellement l'électeur moyen est censé comprendre la question comme vous l'illustrez, le résultat est d'ailleurs inverse: si 52,7% des Genevois ont voté non en pensant ainsi s'opposer au référendum, ils ont donc voulu approuver le projet d'aménagement de la place des Nations...  On a eu la preuve, par les sondages Vox sur les votations à propos d'initiatives antinucléaires que ce type de malentendu peut réellement arriver: ne l'encouragez donc pas!

Je ne vois d'ailleurs pas de gain réel dans cette manière de présenter les choses.  Par exemple, elle obscurcit le caractère conservateur, négatif, frileux des deux votes en question à Genève et Zurich.

Et où arrêter la simplification didactique du débat politique?  Ecririez-vous réellement que 66,6% des Suisses ont dit oui au génie génétique, et 33,4% non, ignorant soudain le poids joué dans la campagne par les actes et les engagements des autorités ou de la communauté scientifique pour contribuer au rejet d'une initiative fondamentaliste sans pour autant donner un chèque en blanc aux Dr Folamour?  (Je réalise d'ailleurs que vous n'en êtes pas loin avec ce titre abusif: "Le génie génétique plébiscité par deux électeurs sur trois").

En un mot comme en cent: je crois que la démocratie a un prix et exige un effort des électeurs et des journalistes.  Celui de toujours se prononcer par rapport à la question telle qu'elle est posée à la suite d'une initiative, d'une demande de référendum ou d'un référendum obligatoire, et de maîtriser éventuellement la syntaxe et la double négation.

 


Dernière mise à jour: 24/02/01
François Brutsch - Genève - Suisse