Comme pour le suffrage féminin
naguère, Vaud et Genève ouvriront-ils la voie de la reconnaissance des couples de même
sexe? La question des problèmes
juridiques auxquels peuvent se heurter les couples formés de deux personnes du même sexe
fait présentement lobjet dune étude au niveau fédéral. Cest le
résultat dun postulat adopté par le Conseil national en juin dernier en réponse
à la pétition lancée par un comité de gais et de lesbiennes; elle avait recueilli plus
de 85'000 signatures et contribué à louverture dun débat national.
La réponse est connue davance: par rapport à
celui ou celle qui désire construire une relation durable avec une personne du sexe
opposé, la Suissesse ou le Suisse qui aime une personne de son sexe est confronté à
nombre dobstacles. Labsence de tout statut reconnu à leur couple les prive
dune protection qui est automatiquement conférée par lEtat à leurs
concitoyennes et concitoyens quunissent les liens du mariage: droit au séjour et à
lactivité lucrative en Suisse pour une personne de nationalité étrangère,
régime fiscal particulier, assurances sociales, reconnaissance, au travers de la
succession et des droits modérés y relatifs, de la communauté du patrimoine constitué,
garanties dans le droit du bail, dans les rapports avec des établissements médicaux ou
pénitentiaires, dispense de témoigner en justice contre son conjoint...
Que vienne le conflit...
Certains de ces problèmes peuvent ne pas se produire
(lentrave aux visites à lhôpital). Dautres sont solubles (signer le
bail en commun), ou lon peut limiter leurs inconvénients (faire un testament).
Lorsque les deux partenaires sont de nationalité suisse, que les familles et
lentourage sont positifs, les difficultés paraissent bien théoriques. On a même
vu ladministration faire un usage généreux de son pouvoir dappréciation
pour résoudre des situations concrètes de permis de séjour, voire dadoption par
la ou le partenaire de même sexe. Mais que surgisse le conflit, il ny a plus de bon
droit.
Au départ, il ny a rien là de spécifique à la
Suisse. Certains pays, à lexemple du Danemark, ont institué un statut de
partenariat conférant aux gais et aux lesbiennes des droits analogues à ceux des
conjoints à lexception de la filiation et de ladoption. Cest
létape suivante à laquelle seront confrontées les autorités fédérales:
légiférer ou non, et comment?
La voie cantonale
Dans lidée dagir déjà sur les sujets qui
sont de la compétence cantonale (les droits de succession, par exemple) et parce
quen Suisse la conviction se nourrit de bas en haut et les solutions
sillustrent dans les cantons avant darriver éventuellement à maturation à
léchelon fédéral, Michel Glardon (alternative socialiste verte) a interpellé le
18 décembre 1996 le Conseil dEtat vaudois en lui proposant dagir.
Linterpellation était appuyée par 38 députés, aussi bien de droite que de
gauche. A Genève cest un projet de loi en bonne et due forme qui est actuellement
en cours de négociation entre des députés des différents partis.
Dans ce débat, la tentation existe parfois
cest la proposition Glardon de créer un statut applicable à tous les
couples non mariés qui le souhaitent, quils soient composés de personnes de même
sexe ou de sexe opposé. Car il est vrai que les couples de concubins rencontrent
potentiellement les mêmes problèmes que les gais et les lesbiennes. Leur donner un
statut, cest parfois pour certains régler des comptes avec linstitution du
mariage et ses connotations religieuses ou patriarcales. Plus subtilement, créer un
statut commun aux concubins et aux couples de même sexe évite de ne parler que de ces
derniers (voire à lextrême permet de ne pas les mentionner) et peut créer
limpression dun nombre plus important de situations personnelles à régler.
Une fausse solution
Mais les faits sont têtus. Si il existe des gais et des
lesbiennes aussi bien que des hétéros qui "ont lhonneur de ne pas te
demander ta main" et nentendent pas sunir par des liens juridiques
même sils existaient, en cas de problème les uns ont une solution le
mariage et pas les autres. Linstitution dun régime pour concubins et
couples de même sexe déplace linégalité: les uns auraient le choix entre vivre
ensemble sans statut, senregistrer comme partenaires ou se marier, les autres
nauraient que les deux premières possibilités.
Mais surtout: un régime de partenariat pour couples de
même sexe et concubins devrait, afin de présenter un intérêt pour ces derniers,
contenir des différences significatives par rapport au statut des conjoints
diminuant dautant sa capacité à résoudre les problèmes réels, eux, auxquels
sont confrontés les gais et les lesbiennes.
Dans lespoir dun gain tactique, la confusion
entre la situation des concubins et celle des couples de même sexe amoindrit la force de
largument de justice, de droit universel à la recherche du bonheur individuel dans
le couple ("Il nest pas bon que lhomme soit seul"
sapplique aussi à la femme et quelle que soit leur orientation sexuelle) qui
na pas besoin du nombre pour saffirmer. Tout hétéro à laise dans sa
sexualité et dans son couple peut y souscrire. Et même ceux qui craignent pour
linstitution du mariage ou la famille traditionnelle peuvent comprendre quils
ne seront pas renforcés en privant les gais et les lesbiennes dun statut pour leur
couple pour autant justement quil ne sapplique pas aussi aux concubins.
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