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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

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D'accord pour agir sur le plan cantonal, mais attention à la confusion entre concubins et couples de même sexe. Article paru dans DP.
Conjoints, concubins, partenaires
30 janvier 1997 (version révisée)
Comme pour le suffrage féminin naguère, Vaud et Genève ouvriront-ils la voie de la reconnaissance des couples de même sexe?

La question des problèmes juridiques auxquels peuvent se heurter les couples formés de deux personnes du même sexe fait présentement l’objet d’une étude au niveau fédéral. C’est le résultat d’un postulat adopté par le Conseil national en juin dernier en réponse à la pétition lancée par un comité de gais et de lesbiennes; elle avait recueilli plus de 85'000 signatures et contribué à l’ouverture d’un débat national.

La réponse est connue d’avance: par rapport à celui ou celle qui désire construire une relation durable avec une personne du sexe opposé, la Suissesse ou le Suisse qui aime une personne de son sexe est confronté à nombre d’obstacles. L’absence de tout statut reconnu à leur couple les prive d’une protection qui est automatiquement conférée par l’Etat à leurs concitoyennes et concitoyens qu’unissent les liens du mariage: droit au séjour et à l’activité lucrative en Suisse pour une personne de nationalité étrangère, régime fiscal particulier, assurances sociales, reconnaissance, au travers de la succession et des droits modérés y relatifs, de la communauté du patrimoine constitué, garanties dans le droit du bail, dans les rapports avec des établissements médicaux ou pénitentiaires, dispense de témoigner en justice contre son conjoint...

Que vienne le conflit...

Certains de ces problèmes peuvent ne pas se produire (l’entrave aux visites à l’hôpital). D’autres sont solubles (signer le bail en commun), ou l’on peut limiter leurs inconvénients (faire un testament). Lorsque les deux partenaires sont de nationalité suisse, que les familles et l’entourage sont positifs, les difficultés paraissent bien théoriques. On a même vu l’administration faire un usage généreux de son pouvoir d’appréciation pour résoudre des situations concrètes de permis de séjour, voire d’adoption par la ou le partenaire de même sexe. Mais que surgisse le conflit, il n’y a plus de bon droit.

Au départ, il n’y a rien là de spécifique à la Suisse. Certains pays, à l’exemple du Danemark, ont institué un statut de partenariat conférant aux gais et aux lesbiennes des droits analogues à ceux des conjoints à l’exception de la filiation et de l’adoption. C’est l’étape suivante à laquelle seront confrontées les autorités fédérales: légiférer ou non, et comment?

La voie cantonale

Dans l’idée d’agir déjà sur les sujets qui sont de la compétence cantonale (les droits de succession, par exemple) et parce qu’en Suisse la conviction se nourrit de bas en haut et les solutions s’illustrent dans les cantons avant d’arriver éventuellement à maturation à l’échelon fédéral, Michel Glardon (alternative socialiste verte) a interpellé le 18 décembre 1996 le Conseil d’Etat vaudois en lui proposant d’agir. L’interpellation était appuyée par 38 députés, aussi bien de droite que de gauche. A Genève c’est un projet de loi en bonne et due forme qui est actuellement en cours de négociation entre des députés des différents partis.

Dans ce débat, la tentation existe parfois – c’est la proposition Glardon – de créer un statut applicable à tous les couples non mariés qui le souhaitent, qu’ils soient composés de personnes de même sexe ou de sexe opposé. Car il est vrai que les couples de concubins rencontrent potentiellement les mêmes problèmes que les gais et les lesbiennes. Leur donner un statut, c’est parfois pour certains régler des comptes avec l’institution du mariage et ses connotations religieuses ou patriarcales. Plus subtilement, créer un statut commun aux concubins et aux couples de même sexe évite de ne parler que de ces derniers (voire à l’extrême permet de ne pas les mentionner) et peut créer l’impression d’un nombre plus important de situations personnelles à régler.

Une fausse solution

Mais les faits sont têtus. Si il existe des gais et des lesbiennes aussi bien que des hétéros qui "ont l’honneur de ne pas te demander ta main" et n’entendent pas s’unir par des liens juridiques même s’ils existaient, en cas de problème les uns ont une solution – le mariage – et pas les autres. L’institution d’un régime pour concubins et couples de même sexe déplace l’inégalité: les uns auraient le choix entre vivre ensemble sans statut, s’enregistrer comme partenaires ou se marier, les autres n’auraient que les deux premières possibilités.

Mais surtout: un régime de partenariat pour couples de même sexe et concubins devrait, afin de présenter un intérêt pour ces derniers, contenir des différences significatives par rapport au statut des conjoints – diminuant d’autant sa capacité à résoudre les problèmes réels, eux, auxquels sont confrontés les gais et les lesbiennes.

Dans l’espoir d’un gain tactique, la confusion entre la situation des concubins et celle des couples de même sexe amoindrit la force de l’argument de justice, de droit universel à la recherche du bonheur individuel dans le couple ("Il n’est pas bon que l’homme soit seul" s’applique aussi à la femme et quelle que soit leur orientation sexuelle) qui n’a pas besoin du nombre pour s’affirmer. Tout hétéro à l’aise dans sa sexualité et dans son couple peut y souscrire. Et même ceux qui craignent pour l’institution du mariage ou la famille traditionnelle peuvent comprendre qu’ils ne seront pas renforcés en privant les gais et les lesbiennes d’un statut pour leur couple – pour autant justement qu’il ne s’applique pas aussi aux concubins.

 

 


Dernière mise à jour: 10.01.2002
François Brutsch - Genève - Suisse