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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

Lui écrire

 

Lettre de lecteur au quotidien Le Temps, en marge du procès d'un haut fonctionnaire dans le canton de Vaud.
Le coming out,
bon pour la tête
15 juillet 1999
Ainsi donc Pierre-Alain Buffat est gay!  C'est ce qu'une lecture attentive du compte-rendu d'audience du Temps (14.7) permet de comprendre.  Sans vouloir faire de cette caractéristique personnelle l'explication des fautes professionnelles de l'intéressé, bien sûr, ni en sens inverse ériger l'ex-chef du service des finances du canton de Vaud en victime emblématique de l'homophobie, cela me paraît mériter un commentaire.

Parmi les conseillers d'Etat, les collègues ou les subordonnés qui l'ont côtoyés, qui le savait?  Il semble bien que, parmi les différentes attitudes possibles (de la fuite dans le mariage à l'affirmation de soi), Buffat ait choisi la cloison étanche entre la personne publique et la personne privée. A quel prix, et quel hétéro l'accepterait?  C'est dès l'enfance que les gays et les lesbiennes apprennent cette maîtrise de soi de tous les instants qui n'est que dissimulation contrainte: pour nous par de commentaire grivois, pas de regard qui s'attarde ou de sourire engageant, sauf en cercle strictement contrôlé.  Le refus de son homosexualité est la première cause de suicide chez les adolescents.  Une autre réaction typique est ce surinvestissement professionnel, ce besoin obsessionnel de prouver aux autres et à soi-même que l'on est le meilleur.

Souvent des hétéros (même ouverts) défendent l'idée qu'ils n'ont pas à savoir.  C'est confondre une indifférence de bon aloi (le respect du droit à la différence) avec un aveuglement coupable: l'invisibilité est la première excuse de l'ignorance qui conduit au rejet.  Ces hétéros, même célibataires, sont par ailleurs les derniers à observer pareille discrétion pour eux-mêmes.  Sans revendiquer le moins du monde l'étalage forcé des gâteries favorites de chacune et chacun, plus d'attention réelle à autrui ne ferait pas de mal, en commençant systématiquement par ne pas assumer que tout le monde est hétéro.

Mais c'est bien sûr d'abord aux gays et aux lesbiennes (tout particulièrement ceux que leur position socio-professionnelle met à l'abri de tout inconvénient réel) de trouver l'estime d'eux-mêmes qui doit leur permettre d'être sereinement visibles comme personnes -- et du fait que cela ne tient pas à la couleur de leur peau cela passe nécessairement par la parole.  Par respect de soi et d'autrui, et pour ne pas avoir à craquer plus tard.

 


Dernière mise à jour: 10.01.2002
François Brutsch - Genève - Suisse