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Terrorisme, guerre, mondialisation, démocratie...
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Après le 11 sept. 01

 

Ludovic Monnerat, capitaine dans l'armée suisse, CheckPoint, (22 décembre 2002) - repris par Le Temps du 21.02.2003
Comment le pacifisme s'enfonce dans l'aveuglement et l'immoralité

Pas de sang pour du pétrole: un peu partout dans le monde, dans nombre de cités européennes notamment, des cortèges bigarrés clament à nouveau leur opposition à une action militaire dans le Golfe. Les slogans étaient les mêmes douze ans plus tôt, mais les manifestants défendaient alors l'idée d'un embargo économique pour faire plier Saddam Hussein. Aujourd'hui, ils se contentent simplement de revendiquer le silence des armes. Après s'être opposés à l'usage de la force pour libérer le Koweït en 1991, imposer la paix en Bosnie en 1995, stopper le nettoyage ethnique au Kosovo en 1999 ou libérer l'Afghanistan des talibans en 2001, les pacifistes conservent donc leur propension chronique à défendre les tyrans opposés à l'Occident.

Leurs arguments immuables expliquent ce soutien collatéral au totalitarisme, puisque selon eux la violence n'est jamais une solution et ne peut mener qu'à l'extension du conflit. A ce sujet, il serait intéressant d'entendre l'avis de ces foules en liesse qui, de Koweït City à Kaboul, ont célébré l'action militaire responsable de leur libération. Mais c'est surtout la chute brutale de la mortalité suite aux opérations alliées récentes qui montre à quel point les pacifistes n'ont que faire de la réalité. En Afghanistan, l'effondrement des talibans a par exemple permis la reprise de soins élémentaires, comme cette campagne de vaccination contre la rougeole de l'Unicef qui à elle seule sauvera 35 000 enfants par année.

Au contraire, le refus de la violence armée conformément aux mantras du pacifisme a autorisé les pires massacres de la dernière décennie. En Bosnie, l'inaptitude de la Forpronu à toute coercition a laissé se développer une guerre qui a fait 200 000 victimes. Au Rwanda, la crainte frileuse de la communauté internationale l'a amenée à tolérer un génocide interethnique qui a provoqué la mort de 800 000 personnes. Dans l'ex-Zaïre devenu Congo, enfin, le désintérêt pour toute intervention n'est aucunement troublé par un conflit dont le prix atteint les 3 millions de morts. Mais nul ne défile dans nos rues en criant «pas de sang pour des diamants».

Face à cette réalité dérangeante, les pacifistes se contentent de vanter sans cesse la prévention des conflits. Ainsi, dans ce vaste hôpital ouvert au monde qu'est devenu l'Occident, nos gens de paix refusent le risque de l'opération ambulatoire et se bornent à prescrire de futures campagnes de vaccination. Pire, ils considèrent ouvertement ceux qui manipulent les armes chirurgicales comme autant de tueurs en puissance – sans même se soucier de l'état des patients. Le diagnostic dès lors s'impose: le pacifisme n'est autre qu'une idéologie étrangère à la morale, dont le livre noir attend encore d'être écrit.

La raréfaction des conflits entre Etats et la prolifération des guerres intérieures mettent d'ailleurs l'idée pacifiste à l'agonie. Seule la coercition armée et la maîtrise de la violence pratiquées par les militaires occidentaux ont permis ces dix dernières années de faire cesser ou avorter au moins huit guerres civiles, et de sauver ainsi des centaines de milliers de vies. Sur une planète où près de soixante conflits majeurs font rage annuellement, ce bilan reste insuffisant, mais s'opposer par principe à ces actions relève d'un réflexe antimilitaire qui fait abstraction des populations menacées.

En fait, les pacifistes ont trop de préjugés pour saisir les ressorts véritables des conflits, et donc la manière de les influencer. Ils ignorent ainsi la logique paradoxale de la stratégie et confondent les attitudes et les intérêts, c'est-à-dire les symptômes et les maux, en croyant que la paix passe par l'absence de violence alors que seul le règlement des intérêts divergents la rend possible. De même, leur négation de toute adversité se conjugue à la conviction que les mesures de protection provoquent spontanément leur opposition. Un peu comme si les serrures d'un logement suscitaient son cambriolage.

Un tel degré d'aveuglement est le produit d'une véritable culture de l'irresponsabilité. En niant la nature instable et contradictoire de l'être humain, les pacifistes contestent le rôle des rapports de forces dans les équilibres sociaux et s'évitent le fardeau que constitue leur contrôle. La dissuasion, la protection et la légitime défense sont des concepts étrangers à leur idéal purement rationnel, où le hasard et l'antagonisme n'ont aucune place. Pour eux, la paix n'est pas un état précaire exigeant une attention permanente, mais une ataraxie collective où toute trace d'agressivité – ou de désaccord – a disparu. Autant dire un paradis carcéral fondé sur l'inappétence et le phototropisme!

C'est une réalité qu'il faut avoir à l'esprit lorsque l'on observe ces manifestants qui revendiquent la paix sans pouvoir en montrer le chemin. Ils refusent que le sang coule pour du pétrole, mais ils en font de même pour la liberté d'autrui. Ils se prétendent opposés à toute forme de violence, mais s'opposent aussi à la protection de ceux qui en sont victimes. Ils crient au respect et à l'égalité entre les peuples, mais réprouvent avant tout les opérations ciblées des nations occidentales. Et les illusions de leur idéalisme seraient bénignes si le prix de l'inaction n'était pas aussi exorbitant.

 

 


Merci de me signaler les fôtes et les liens rompus!
Dernière mise à jour: 01.03.2003

François Brutsch - Genève (Suisse) & London (UK)